Thursday, December 27, 2001

1939



Le vieux poète gravit le chemin poussiéreux, péniblement, le poids des années et des remords rendant son ascension difficile. Une pensée macabre et amère lui traverse l'esprit. D'une certaine manière, c'est son calvaire. Dans le ciel bleu azur, qui commence tout juste à se parer des feux de la fin d'après midi, un oiseau lance une note. Le poète, essoufflé, lève les yeux au ciel – ses lunettes se voilent alors d'un rideau de lumière réfléchissante – cherchant vainement des yeux l'oiseau. Faucon? Héron? Il n'en a aucune idée…

Se retournant, le poète peut, depuis les hauteurs où il se trouve, contempler l'arrière-pays qui descend doucement jusqu'à la mer qu'il peut distinguer malgré la chaleur qui voile l'horizon. Tout est tranquille, tout est paisible. C'est un bon moment, se dit-il. Peut-être est-ce là le but de sa vie, le Grand Œuvre: être capable d'apprécier ce moment pour ce qu'il vaut, d'en saisir les délicates subtilités symboliques qui le composent couches après couches et, derrière lesquelles il peut sentir, en l'effleurant, le léger et lointain grondement de tonnerre à l'horizon. Il est temps, se souvient-il alors, et sort instantanément de sa rêverie, reprenant sa marche, la veste de son costume blanc par-dessus l'épaule, sa canne de roseau dans l'autre main.

Parvenant finalement au sommet, il se sent fragile et faible, à bout de force. La chaleur se fait plus écrasante, comme si le soleil était vraiment plus proche ici. Son regard, rivé sur ses chaussures maculées de poussière blanche, est trouble. Il se redresse, ôte ses lunettes, les essuie du revers de son veston, les repose sur son nez aquilin, retire son chapeau de paille et essuie son front ridé et trempé de sueur d'un revers de la main qui tient le chapeau. Son regard, pendant ce temps, embrasse de nouveau la vue qu'il savoure depuis son promontoire. Il en emmagasine chaque élément qui se détache nettement dans la chaleur, comme s'il souhaitait l'emporter avec lui: le village en contrebas, la villa où l'impératrice Eugénie a séjourné, au début du siècle dernier, qui émerge discrètement des bosquets et des rideaux d'arbres; la mer, toujours scintillante de milles reflets d'écume; la chaleur écrasante de cette fin d'après-midi; le chant incessant des cigales; les parfums voyageant paresseusement sur les courants d'air invisibles. Un instant fugace, l'image de sa femme lui traverse l'esprit – elle est assise dans un fauteuil en osier, sous la véranda, occupée à coudre ou, écrit-elle? Comme si cette image le décidait, il se détourne alors de sa contemplation et s'enfonce dans le sous-bois.

L'air est soudainement figé et le bois se fait murmure. Le poète y entre comme quelqu'un qui est chez lui et, en vérité, aujourd'hui, pour la première fois, c'est le cas. Loin, le temps où il était toujours le perpétuel explorateur, le sondeur de ces mystères impénétrables. A présent, le voilà, et c'est tout. Nulle question, nul désir, mais uniquement la certitude d'être au bon endroit, au bon moment, et de rentrer chez soi. Alors qu'il avance sous les frondaisons verdoyantes, il ne se remémore pas le chemin de sa vie qui l'a conduit jusque dans ce lieu en ce temps. Au contraire, il oublie ou, plutôt, ne s'en soucie pas. Il dérange des insectes minuscules qui volètent sous les feuilles. Chez soi, voilà la vérité qui s'impose à lui en ce moment, avant qu'il ne l'oublie à son tour, ou plutôt, qu'il ne s'en défasse, comme s'il ôtait ses vêtements au fur et à mesure de sa progression, les laissant choir dans le tapis moussu du bois: il est chez lui, et cet endroit, ce moment, qu'il a toujours cherché, qu'il a sans cesse voulu vivre, en fin de compte, fut toujours à ses côtés, constamment en sa compagnie. Il ne parvenait pas à le comprendre, voilà tout, pas plus qu'il ne le comprend aujourd'hui, car à présent, tout cela n'importe plus.

Il arrive alors au seuil de la grotte qui s'ouvre devant lui, exhalant sa fraîcheur cristalline. La lumière s'est faite or, mais il ne sait pas si c'est le soleil qui se couche qui en est la cause ou si la clairière donne cette texture enchantée aux rayons qui y pénètrent. Il s'est arrêté un instant, face à la grotte, comme s'il devait méditer, communier presque, avant d'y pénétrer. Le murmure du bois s'est tu, et l'air se fait témoin de cet instant d'immobilité et de passage.
Le poète s'avance, et, tête nue, disparaît dans les ombres de la grotte. Derrière lui, il ne laisse que son chapeau de paille qu'une branche basse a fait tomber sur l'herbe drue de la clairière. Le bourdonnement des insectes reprend. Le poète s'en est allé ailleurs.

Dehors, hors du bois, le tonnerre gronde dans le lointain, annonçant la fin d'un âge.

"Dieu est mort"

So spräche Nietzsche – pour le paraphraser.

Imaginez que les dieux existent. Imaginez que les fées (faute d'un meilleur terme) existent. Que Dieu (encore lui! toujours lui!) existe.

Ou plutôt qu'ils ont existé, il fut un temps. Dans le Il était une fois…

Imaginez-vous être l'un de ces êtres lumineux, l'un de ses immortels aux yeux pers ou au front resplendissant. Sans âge (si ce n'est l'âge du monde), possédé d'une jeunesse éternelle, vous avez vu les hommes fourmillant vivre dans la fange de leur frustre ignorance pendant des millénaires, perpétuellement courbés vers le sol en quête de nourriture. Vous les avez vus se redresser et adresser leurs prières vers l'Olympe aux cimes enneigées, vers les cieux gardés par les anges androgynes au visage de verre regroupés au pied du trône divin. Vous les avez vus trembler de peur devant les tempêtes où chevauchent les cavalcades des morts; vous les avez vus demander grâce à Zeus ou à Dieu (Dieu, deus de Zeus) devant la colère de la foudre; vous les avez vus pleurer de désespoir et chuchoter leurs tristes suppliques dans le silence ensanglanté des temples ou dans la lumière tremblante des cierges dans les églises face à la peste apollonienne (l'Iliade) ou dionysiaque (Mort à Venise) qui les décimaient.

Et, de ces prières ferventes, de ses suppliques motivées par la peur de la nature, nées de la fragilité de la condition humaine, disent certains, vous, Dieu, immortels, Olympiens, Ases ou Vanes, huit millions de kami, vous êtes nés.

Issus de l'argile qu'est l'homme, vous êtes ses aspirations à obtenir quelque chose de plus, à imaginer quelque chose de plus que la réalité matérielle ou son désespoir face à sa condition, face à cette réalité.

Au cours des siècles, ils vous ont vénérés, peints, chantés, maudits, priés. Ils ont écrits des épopées dans lesquelles vous façonniez le destin des hommes. Ils vous ont sacrifiés une partie des récoltes ou des vendanges, des animaux, leurs semblables parfois même.

Et puis, un jour, ils vous ont oubliés.

Comme des enfants qui n'ont plus besoin de leur jouet, ils vous ont abandonnés.

Oh, bien sûr, le processus n'a pas été immédiat mais bien le résultat d'un long cheminement, commencé peut-être dès le début, dès que l'homme a fait du feu au lieu d'attendre qu'il apparaisse, dès qu'il a construit des maisons, a peint les parois des grottes, a fait poussé ou a élevé sa nourriture au lieu de la chasser ou de la cueillir.

Peut-être. Mais il est sûr qu'à partir du moment où ce mouvement s'est accéléré, lorsque l'homme a inventé des machines qui lui permettaient de maîtriser son environnement et non plus d'en dépendre, alors il n'a plus eu besoin de vous.

Au lieu de se tourner vers vous, l'homme a compris que son salut était dans ses mains, dans ce qu'il appelait son génie à partir de ce moment, et non plus en vous.

Aujourd'hui, que peut la foudre ou un vague de chaleur ou de froid face aux maisons ultra-design, à air conditionnée? Qu'est une maladie? Ce n'est plus les dieux qui l'apportent, mais la vache qui est folle. Syndrome immunodéficitaire acquis. Où sont les dieux? Qui se souvient que l'épilepsie est la maladie d'Apollon? Que les femmes qui meurent en couches sont tuées par Artémis? Que les enfants morts-nés sont dans les limbes ou pris dans la Mesnie Hellequin?

Séduit par lui-même, l'homme a développé un amour pour ses propres accomplissements et il s'est mis à vénérer ses créations comme le reflet de sa propre nature tel un Narcisse contemplant son reflet. Et vous, ô dieux, êtes la pauvre Echo abandonnée.

Avez-vous regardé la télévision dernièrement, notamment ce flot incessant que l'on appelle "information" et "publicité" sans bien savoir ce qui distingue l'un de l'autre? Avez-vous jeté un œil aux couvertures des magazines "people" (dont le nom est déjà révélateur et confirme mes propos)? L'homme se vénère lui-même. Il se trouve beau et est amoureux de lui. Il a érigé des Brad et des Angelina, des Britney et les Johnny au rang des dieux. Les médias nous montrent sans arrêt leur semblant de vie factice pour nous faire croire à quel point ils sont extra-ordinaires. Ils ne sont pas comme nous. Ils sont mieux que nous. Plus beaux, plus intelligents, plus romantiques, plus glamour.

("Glamour" est le terme employé par Yeats dans le Crépuscule celtique pour désigner la magie des fées. Les "people", les "gens" ont volé la magie aux fées après que Prométhée leur ait volé le feu et, d'ailleurs, n'est-ce pas la même chose? Technè et magie?)

Chaque fait et geste des dieux du panthéon hollywoodien (ou des autres pays des dieux, mais mineurs peut-être ne sont-ils alors que des demi-dieux…) est épié, exposé, chanté, décrié pour nous faire croire qu'il faut être comme eux (et ainsi, le divin devient banal, le rêve se vend par package dans les supermarchés) ou, à défaut, pauvres mortels que nous sommes, que l'on doit les vénérer pour être meilleurs que nous.

On nous détaille leur régime, leur garde-robe, leurs habitudes, leurs coucheries, leurs anorexies, leurs dépressions, leurs démêlées avec la justice – le tout comme s'il fallait vivre ainsi.

Car c'est ainsi que les hommes… euh, pardon, que les dieux d'aujourd'hui vivent dans les nouvelles sagas, les nouvelles épopées de notre ère.

Dans l'Antiquité tardive, les hommes ont commencé à se moquer, à ironiser sur les dieux. Ces derniers temps, la mode semble être à dégrader les nouveaux dieux, à se moquer d'eux: comme elle est laide dans cette robe, et maigre aussi, comme elle a grossi, comme il est ridicule, les fesses à l'air…

Lorsque les poètes antiques se sont moqués des dieux, lorsqu'ils ont inventé l'évhémérisme, cela a conduit à terme à la mort des dieux de l'Olympe.

Friday, December 21, 2001

Magic

J’ai souvent pensé que j’ôterai de mon être cette croyance en la magie si je le pouvais, car j’en étais venu à voir ou à imaginer, chez les hommes et les femmes, dans les maisons, dans les créations artistiques, dans presque tous les sons et toutes les visions, un certain mal, une certaine laideur, qui vient de la détérioration à travers les siècles de la qualité d’esprit qui avait fait cette croyance et ses applications communes dans le monde.

— William Butler Yeats, "Magic"

Message 6

"Je me propose de vous démontrer que toute criminalité organisée et massive découle de ce que je me permettrais d'appeler un crime contre l'esprit, je veux dire une doctrine qui, niant toutes les valeurs spirituelles, rationnelles ou morales, sur lesquelles les peuples ont tenté depuis des millénaires de faire progresser la condition humaine, vise à rejeter l'Humanité dans la barbarie, non plus dans la barbarie naturelle et spontanée des peuples primitifs, mais dans une barbarie démoniaque puisque consciente d'elle-même et utilisant à ses fins tous les moyens matériels mis par la science contemporaine à la disposition de l'homme. (…) Qu'il s'agisse du crime contre la Paix ou des crimes de guerre, nous ne trouvons pas en face d'une criminalité accidentelle, occasionnelle, que les évènements pourraient certes non pas justifier, mais expliquer, nous nous trouvons bien devant une criminalité systématique découlant directement et nécessairement d'une doctrine monstrueuse, servie avec une volonté délibérée par les dirigeants de l'Allemagne nazie."

- Réquisitoire de François de Menthon, procureur général français, au tribunal international de Nuremberg.

Stuck in the ashes of oblivion

Des souvenirs qui ne sont pas les miens, des moments d'un passé que je n'ai fait que lire ou voir, sont plus réels que ma propre vie, morne, tristement creuse. Est-ce mon manque d'identité, mon absence totale d'odeur (comme dirait Jimmy), qui me permet d'absorber toutes ces images - bien plus passionantes - réelles ou imaginaires qui déferlent sans cesse autour de moi et de me les approprier comme si elles étaient les fragments de mon passé? J'ai lu quelque part que parmi les milliers - les millions? - de gens qui ont regardé, comme je l'ai fait, les images des tours en feu, de ceux qui sautaient, puis de leur écroulement, une partie a éprouvé le sentiment, comme moi, d'être une victime de ces attentats. "Nous sommes tous des Américains," disait-on il y a peu, au lendemain de cette tragédie. Mais pourquoi? Nous nous sentons victimes à la place des victimes. Nous leur volons leur souffrance. Pourquoi? Est-ce parce que nos vies, à nous, habitants des marges, sont si creuses que nous essayons de les remplir avec celles de ceux qui vivent au centre? Mais pourtant comme la vie des habitants du centre sont vides, commes elles résonnent creux, pleines des trois valeurs dominantes de la société de consommation occidentale: consumérisme, conservatisme, hyperindividualisme. Alors ce sont plutôt les habitants des marges et leur vie pleine de souffrances, de déchirements, de dures réalités, qui copient le vide de celles du centre dans une tentative nihiliste d'exister mais niant leur existence même. Remplir du plein avec du vide. En souffrant avec les Américains, en pleurant Lady Di, les habitants des marges, les laissés-pour-compte, les fantômes croient qu'ils existent davantage alors qu'en réalité ils n'affirment que leur peur - de n'être que des fantômes qui ne peuvent plus hanter personne.
"It shows little in the end. It is a famous murder because it is on tape and because the murderer has done it many times and because the crime was recorded by a child. So the child is involved, the Video Kid as she is sometimes called because they have to call her something. The tape is famous and so is she. She is famous in the modern manner of people whose names are strategically withheld. They are famous without names or faces, spirits living apart from their bodies, the victims and witneses, the underage criminals, out there somewhere at the edges of perception."
Et il en va de même pour les morts du 11-Septembre. Ils sont les 3000 inconnus les plus célèbres du monde. (Il y a quelque chose de terriblement et de splendidement grec là-dedans: ils sont les 3000 héros de notre identité culturelle.) La célébrité du vide. N'exister que dans l'absence. Ne vivre que grâce à l'éphémère présence médiatique... pour combien de temps? Et @lix est le Video Kid. Et moi? Je suis prisonnière devant ma télé, incapable de détacher mon regard, de pleurer à chaque fois qu'ils passent les images.
"Seeing someone at the moment he dies, dying unexpectedly. This is reason alone to stay fixed to the screen."

Le temps s'est arrêté. La succesion des jours, des saisons, des années, des âges s'est interrompue et depuis je vis dans ce non-lieu, cette marge à la limite de la perception où je peux voir les morts. Je suis à jamais perdu dans le crépuscule des douze jours et douze nuits du non-temps entre la fin de l'année et le début de la nouvelle. Nous n'étions pas le 11 septembre ce jour-là, mais le 21 décembre. Et le temps s'est arrêté pour moi. Et je ne peux plus poster mes messages qu'à cette date à présent que j'en ai pris conscience. Et le monde aussi, même s'il croit en la fiction du temps linéaire, ne se rend pas compte qu'il est prisonnier des douze jours et douze nuits, qu'il avance à l'aveuglette, ou comme un train dans un tunnel sans savoir qu'il est à bord d'un train et prenant l'obscurité pour la normalité. Je suis prisonnière des cendres de l'oubli. Je suis dans cet outremonde. La fin de l'Histoire n'était pas en 1989, mais en 2001. A quand un nouveau début? A quand la sortie du tunnel? 

-- Kokeshi, depuis les marges 

PS: Les citations sont de DeLillo, Underworld.

The center cannot hold

Tout d'abord une citation:

Turning and turning in the widening gyre
The falcon cannot hear the falconer;
Things fall apart; the centre cannot hold;
Mere anarchy is loosed upon the world,
The blood-dimmed tide is loosed, and everywhere
The ceremony of innocence is drowned;
The best lack all convictions, while the worst
Are full of passionate intensity.

Surely some revelation is at hand;
Surely the Second Coming is at hand.
The Second Coming! Hardly are those words out
When a vast image out of Spiritus Mundi
Troubles my sight: somewhere in sands of the desert
A shape with lion body and the head of a man,
A gaze blank and pitiless as the sun,
Is moving its slow thighs, while all about it
Reel shadows of the indignant desert birds.
The darkness drops again; but now I know
That twenty centuries of stony sleep
Were vexed to nightmare by a rocking cradle,
And what rough beast, its hour come round at last,
Slouches towards Bethlehem to be born?

— Yeats, "The Second Coming"

Le centre ne tient plus. Il a été détruit et l'anarchie règne à présent sur le monde.

Nous sommes le 21 décembre 2001. L'après-midi touche à sa fin dans un placide coucher de soleil orangé. L'air froid de l'hiver semble favoriser la circulation de la chaleur, des particules invisibles portées par les vents solaires pour réchauffer ma froide carcasse.

Ce soir, Odin chevauchera Sleipnir à la tête de la Wuntendes Heer, l'Armée furieuse et viendra réclamer l'alfablót, le sacrifice aux elfes. Ce soir, dans la nuit immémoriale des temps anciens, les hommes prieront le soleil, sacrifieront aux dieux ténébreux du monde souterrain pour qu'il renaisse à nouveau et leur permette de vivre.

Joyeux solstice d'hiver en attendant Nöel!

A présent qu'il n'existe plus d'axe vertical pour nous aider à nous regrouper sur le plan horizontal, il faut regarder vers ceux qui nous précèdent, qui nous dépassent et qui nous succèdent. Qu'y a-t-il de plus grand que chacun d'entre nous? Notre mort.

Sans prendre conscience de cela, nous ne deviendrons que des spectres errants le long des autoroutes et des périphériques, hantant les marges d'un monde qui n'est plus que marges, car les centres sont creux et vides. Moi qui y habite, qui y vit, je vous le dis: fuyez.

"The best lack all convictions, while the worst are full of passionate intensity."

Votre Kokeshi, depuis les racines d'Yggdrasil.